Ituri : Les autorités coutumières s’engagent résolument dans la consolidation de la paix et appellent les groupes armés à déposer les armes

Le territoire de Djugu, situé au cœur de la province de l’Ituri, reste l’un des épicentres de l’insécurité persistante dans le Nord-Est de la République Démocratique du Congo. Cependant, une nouvelle dynamique s’installe progressivement : celle d’une mobilisation accrue des autorités coutumières pour accompagner les efforts gouvernementaux et militaires dans le rétablissement de la paix.
Ce dimanche 2 novembre 2025, dans la localité de Pimbo, le chef du secteur de Walendu-Djatsi, Gudza Kiza Justin, a pris la parole devant une foule nombreuse, venue l’écouter avec espoir. Dans un ton à la fois ferme et empreint de gravité, il a lancé un appel pressant aux groupes armés encore actifs dans la région – parmi lesquels les milices CODECO, Zaïre et d’autres formations d’autodéfense – les exhortant à déposer les armes et à rejoindre la dynamique de pacification en cours.
Le chef coutumier n’a pas mâché ses mots. Devant les habitants, il a condamné sans détour la poursuite des violences et les exactions perpétrées contre les civils, tout en mettant en garde ceux qui persistent à semer la terreur.
« Ceux qui refuseront de déposer les armes subiront la puissance de feu des Forces armées. L’armée ne restera pas passive », a-t-il déclaré, dans un ton qui traduit la détermination des autorités à mettre fin à l’instabilité.
Pour Gudza Kiza Justin, la paix ne doit plus être un simple discours, mais un engagement collectif. Il a rappelé que la guerre, au fil des années, a décimé des milliers de familles, détruit des villages entiers, paralysé le commerce local et freiné tout développement socio-économique.
« Il est temps que les enfants de cette terre choisissent la vie au lieu de la mort. La guerre ne profite à personne. La paix, elle, ouvre la voie au progrès », a-t-il insisté, appelant la jeunesse à tourner le dos aux armes pour se consacrer à des activités productives.
Cette prise de position du chef de secteur s’inscrit dans la continuité d’une réunion stratégique tenue le 27 octobre dernier à Masumbuko, sous l’égide du commandement du secteur opérationnel des FARDC en Ituri. Cette rencontre avait réuni plusieurs chefs de chefferies et de secteurs, venus réaffirmer leur engagement à accompagner les autorités militaires et administratives dans les efforts de pacification.
Les participants à cette réunion avaient souligné que la restauration de la paix ne peut être effective que si toutes les forces vives – chefs coutumiers, leaders communautaires, société civile, confessions religieuses et forces armées – œuvrent main dans la main. Le rôle des chefs traditionnels est d’autant plus crucial qu’ils constituent des ponts entre les communautés et détiennent une influence morale significative sur les populations locales.
La déclaration de Pimbo s’aligne sur la politique sécuritaire menée par le gouverneur militaire de l’Ituri, le lieutenant-général Luboya N’kashama Johnny, dans le cadre de l’état de siège toujours en vigueur. Ce dernier prône une approche équilibrée, alliant dialogue communautaire et fermeté militaire à l’égard des groupes armés qui refusent toute négociation.
Depuis son entrée en fonction, le gouverneur Luboya a initié plusieurs dialogues intercommunautaires, tout en renforçant les opérations militaires dans les zones sensibles de Djugu, Irumu, Mahagi et Mambasa. L’objectif : neutraliser les groupes armés récalcitrants, restaurer l’autorité de l’État et permettre aux populations déplacées de regagner leurs villages en toute sécurité.
Cette approche mixte, bien que confrontée à des défis logistiques et humains, commence à porter des fruits, selon plusieurs observateurs. Des zones naguère inaccessibles sont désormais partiellement sécurisées, et les activités économiques, notamment l’agriculture et le petit commerce, reprennent timidement.
Dans un territoire où les tensions communautaires ont longtemps été exacerbées par la méfiance et les rivalités, la voix des autorités coutumières résonne comme un appel au bon sens. Leur implication directe dans la sensibilisation des jeunes, le désarmement volontaire et la réconciliation intercommunautaire constitue un atout majeur pour la stabilisation de l’Ituri.
De nombreux habitants de Pimbo saluent cette démarche. Pour eux, la parole d’un chef coutumier pèse lourdement dans la conscience collective, car elle reflète la sagesse ancestrale et le lien sacré entre les dirigeants traditionnels et leur peuple.
« Quand nos chefs parlent de paix, nous devons écouter. Ils savent ce que la guerre a fait à nos familles. Nous voulons que leurs voix soient entendues jusque dans les collines où se cachent les miliciens », confie un habitant rencontré sur place.
Depuis le début du conflit en 2017, le territoire de Djugu vit au rythme des attaques, des représailles et des déplacements massifs. Des milliers de civils ont péri, des villages entiers incendiés, et des centaines de milliers de déplacés internes continuent de survivre dans des conditions précaires, notamment dans les camps de Drodro, Rho et Largu.
Dans ce contexte, chaque appel à la paix représente une lueur d’espoir. Les habitants aspirent à retrouver la quiétude d’antan, à voir leurs enfants aller à l’école sans crainte et à cultiver leurs champs sans redouter une attaque soudaine.
« Nous voulons la paix, pas seulement en paroles mais en actes. Que les chefs continuent d’appeler les jeunes à quitter la brousse. Nous sommes prêts à accueillir nos frères qui reviennent », déclare une mère de famille de Pimbo, émue aux larmes.
La démarche du chef Gudza Kiza Justin et de ses pairs s’inscrit dans un nouvel élan communautaire visant à transformer les mentalités et à rétablir la confiance entre les différentes composantes sociales du territoire de Djugu. Elle constitue une étape importante vers la construction d’une paix durable, basée sur la justice, la vérité et le pardon.
Si le chemin reste encore long, cette initiative prouve que la paix ne se décrète pas à Kinshasa, mais se construit sur le terrain, au contact des communautés. L’engagement des autorités coutumières, conjugué aux efforts des FARDC et à la bonne volonté des populations, pourrait marquer le début d’un véritable tournant historique pour l’Ituri.
Car, comme l’a rappelé le chef Gudza Kiza Justin à la fin de son allocution :
« Nous ne devons plus être spectateurs de notre propre souffrance. La paix, c’est notre héritage. Et si nous la voulons, nous devons tous nous lever pour la bâtir. »
Rédaction
